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rédalga

Une larme lui tomba sur les mains. Il tressaillit. Mrs Backeray pleurait.

L’exaltation, alors, gonfla son cœur. « Je la sauverai !… » se jura-t-il sauvagement. Et cette mission qu’il se donnait en cet instant lui sembla plus belle même que l’amour.

Il se redressa, toujours à genoux, la saisit aux épaules, la secoua passionnément.

— Donnez vos yeux !… Give eyes ! moi votre ami ! Friend !… Regardez-moi !

À la longue, elle se détendit un peu. Il la vit enfin tourner la tête vers lui. Les paupières serrées se rouvrirent. Une fièvre séchait déjà les prunelles bleu-noir. Les pleurs devaient être peu fréquents dans ces yeux concentrés. Ils contemplèrent le vide, au-dessus de la tête aux boucles noires avidement tendue. Une immense tristesse immobilisa tout le visage. Les lèvres remuèrent :

I am not happy. (Je ne suis pas heureuse.)

En silence, Harlingues reçut la brève et douloureuse confession. Il remuait la tête comme pour dire : « Oui… je devine… Je sais… » Et ses yeux restaient levés, respectueusement, sur celle qui venait de prononcer cela.

Au bout d’un moment, en lui flattant les mains :

— Vous happy, maintenant, avec moi ! N’est-ce pas ?… Dites ?…

Enfin, elle le regarda. Ce qu’il y eut, dans ce second regard, de désespoir et de reconnaissance, jamais plus il ne devait l’oublier. À cette minute, il ne regretta pas le manque de vocabulaire qui les paralysait.

Ils restèrent un long instant immobiles, se parlant avec leurs yeux. Puis, dans un profond soupir, elle se leva.

You pas partir ?… cria-t-il anxieusement.

Mais elle remettait son chapeau d’une main découragée.

Il commença de tirer sur sa blouse, prêt à la suivre.

No ! … dit-elle,