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REVUE DES DEUX MONDES.

cours s’ouvraient, où la jeunesse apprenait des pas nouveaux. On dansait chez les moindres particuliers. On eût dansé dans les rues.

Pendant ce temps-là, à la salle Gaveau, la S. M. I. donnait des concerts audacieux autour desquels les opinions s’échauffaient. Comme tout le monde, il m’arrivait de courir d’une manifestation artistique à l’autre, d’une fête à l’autre, d’un gala à l’autre.

L’Orphelinat des Arts eut l’idée d’organiser à son profit, au Cirque de Paris, une représentation dont les exécutants n’étaient choisis que parmi des amateurs.

Depuis notre retour d’Égypte et de Syrie, je passais de longues heures au manège Saint-Paul, dirigé par Fernand Tison. J’y étudiais à fond, après tant de chevauchées brutales en Orient, l’académisme équestre des « Roumis » et leurs savants airs d’école. (C’est à ce manège où je vécus deux ans dans la sciure que se prépara, sans que je pusse m’en douter, mon futur livre la Mère et le Fils, qui est le roman du cirque.)

Après ma première conférence à Paris, les Harems, donnée à Femina, j’en avais un jour fait une autre qui comportait des démonstrations à cheval, dangereuse séance où le pur sang de Saumur que je montais, déconcerté par la scène trop étroite du Marigny, rua copieusement dans les toiles de fond avant de consentir à exécuter sa haute-école. En outre, toujours au manège Saint-Paul, je travaillais souvent avec des cow-boys canadiens, qui m’enseignaient à cabrer et à ramasser des chapeaux au galop.

Rachel Boyer, animatrice de la grande représentation du Cirque de Paris, me demanda d’y faire un numéro équestre. Quelle surexcitation ! Ce fut une fantasia arabe dans laquelle figura mon mari lui-même, avec bien d’autres personnalités.

Isadora Duncan, folle d’envie, voulut apprendre à monter à cheval comme moi, surtout à cabrer comme moi. Je l’emmenai au manège Saint-Paul, mais elle se découragea tout de suite devant les difficultés du début.

C’est à la S. M. I. que j’ai vu pour la première fois le cher Gabriele d’Annunzio dont la disparition me cause tant de chagrin.

Je faisais à ce moment la critique musicale dans Cœmedia, fantaisistes articles réunis sous la rubrique : « Les Hommes