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REVUE DES DEUX MONDES.

blaient prêts à tomber dans son assiette. Il racontait des choses compliquées auxquelles il mêlait une érudition assez incertaine.

Il me demanda de réciter des vers, applaudissant toujours avant la fin du poème.


Cependant la Noël et le Jour de l’an s’étaient passés pour nous sans autre apparat qu’un peu de houx et de gui disposés par nos soins dans l’appartement, et une séance d’ombres chinoises préparée pour mon mari tout seul, avec programme illustré, — représentation à laquelle il assista jusqu’au bout, mais en pensant visiblement à autre chose.

C’était la première fois que ces fêtes avaient lieu pour moi sans la rumeur de la famille, et j’en restais comme abasourdie.

Nous entrions dans l’année 1901 avec de la neige plein le parc, et j’en tirai plusieurs poèmes qui firent la joie de mon mari.

Le printemps revenu m’attira du côté de la pelouse. J’y emportais le caméléon qui remplaçait le cochon d’Inde (mort ou donné, je ne me souviens plus).

Cette bête extraordinaire nous amusa quelque temps, mais je ne pouvais m’y attacher. Envoyé pour finir à mes neveux de Provins, le caméléon mourut, en arrivant, sous la couleur jaune citron, qui est celle de la grande colère.

C’est vers février 1902, si j’ai bonne mémoire, que nous fîmes la connaissance du charmant peintre Georges Jeanniot et de la jolie Mme Jeanniot. Nous allions à leurs soirées. On m’y faisait dire mes poèmes à mesure que je les avais écrits, et j’aimais ces réunions et leur atmosphère pleine de cordialité.

Fernand Gregh s’y montrait pour moi particulièrement amical. Il aimait mes vers et le disait de tous côtés. J’ai gardé de cette période, qui se prolongea plus de deux ans, un souvenir particulièrement charmé.


ROBERT DE MONTESQUIOU


Au printemps de cette même année 1902, ayant rencontré Robert de Montesquiou à la Revue blanche, il y fit un bel éloge de mes poèmes, avec cette grave ferveur littéraire qui