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LE PAIN BLANC

— Voilà ici votre salle de bain. Et vous voyez que vous donnez sur l’avenue !

Le geste un peu sec de sa belle-mère la dirigeait par l’épaule.

— Je voulais vous montrer aussi : ce rayon vide, en bas de la bibliothèque, c’est pour d’autres livres, ceux qui vous plairont, s’il y en a.

Elle regarda son mari.

— Et maintenant, laissons-la. Elle viendra nous retrouver au salon quand elle voudra.

Cet accueil à la fois bienveillant, rapide et précis laissait la jeune Arnaud tellement abasourdie que, seule, elle resta pendant un moment à tourner sur elle-même dans sa chambre. Triste ou gaie ? Bien ou mal impressionnée ? Elle ne savait pas.

Elle finit tout de même par ôter son chapeau. Quelqu’un frappa. Ce fut une femme de chambre apportant sa valise. Élysée répondit à son salut par un sourire. Gestes vifs et silencieux, la servante défit la valise, disposa les objets de toilette sur les tablettes de la salle de bain.

— Mademoiselle a son peigne et sa brosse ici. Le savon est là. Voilà le robinet à eau chaude. Si Mademoiselle a besoin de moi, elle voudra bien me sonner. Le bouton est ici. Si Mademoiselle n’a pas assez de lumière, voilà !

La porte était refermée. L’atmosphère de netteté de cet intérieur redouté s’accentuait encore. Élysée, rêveuse, se lavait les mains.

Un coup de brosse sur ses cheveux tirés de pensionnaire, une épingle rajustée dans sa tresse, recourbée sur le cou, la voilà prête. Son instinct attend la cloche du dîner. Hagarde, entêtée, l’habitude, cet animal, lui fait tendre l’oreille vers les bruits coutumiers du pensionnat. Elle est dans le vide. Elle sent que quelque chose d’immense lui manque : le fourmillement de la grande maison blanche, où, depuis des années, elle a pris racine.

« Allons, il faut que je retourne au salon ! »

Tout ce qu’elle traverse pour s’y rendre est riche, étouffé de tapis épais, brillant d’objets rares, éclairé de tableaux coûteux. Mais, tout cela, ce n’est pas la sonorité claire des couloirs immaculés de là-bas. Tout cela, c’est l’ignoré, l’insolite, le home particulier où manquent vingt-cinq visages de camarades, où rien