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LE PAIN BLANC

s’envoler, pour quelques jours de vacances improvisées, le flot tumultueux des élèves.

« Elles vont à Paris, voir la Victoire. Et moi qui suis Parisienne, je reste ici ! J’ai deux frères, pourtant, j’ai un père. Mais c’est comme si j’étais seule au monde ! »

Le départ pour une semaine de Mlle Levieux augmentait sa tristesse abandonnée. Ce fut pendant cette absence qu’elle reçut le mot où le docteur Arnaud lui annonçait que son mariage venait d’être célébré.

« Je n’ai plus de famille ; mais j’ai une marâtre ; et c’est un demi-castor, par-dessus le marché ! »

« Élise, ma chérie,

« Je profite de l’occasion que m’offre le 1er janvier tout proche, époque des vœux et souhaits, pour t’envoyer les miens en détail. Car je n’ose pas venir te voir, ayant peur d’être mal reçu.

« Voici : Tu vas avoir seize ans, la guerre est finie, tes études aussi. Il me semble que le temps est arrivé pour toi de revenir à ton foyer.

« Ces dames elles-mêmes, qui ont été si parfaites pour toi, qui t’ont fait une enfance bénie, comprendront qu’il ne t’est pas possible de rester indéfiniment dans cette institution qui a été si longtemps ton nid, mais où ta présence n’a plus aucune raison d’être.

« Depuis le temps que je t’appelle, ma petite fille chérie, ne vas-tu pas enfin me revenir ?

« Ma situation de fortune est assurée par le résultat de mes travaux et rien ne te manquera près de moi, rien, pas même la douce présence d’une seconde mère.

« Celle que j’ai épousée est faite pour que tu l’aimes. Sa grande culture, son goût des arts, sa simplicité, son charme feront ta conquête dès que tu la connaîtras. Elle a été ma collaboratrice