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LE PAIN BLANC

en amande, celles du père brillant dans la barbe fine, celles de la fille dans une bouche rouge vif, et précise comme une pierre taillée.

Une si jolie petite fille élevée n’importe comme, bousculée, mal habillée, mal instruite, sabotée, en somme…

Tout à coup, les espérances dont on a tant parlé se réalisent. Hériter, quelle aventure ! Encore un bonheur, un immense, celui-là, venu du malheur de quelqu’un. Une vieille tante qu’on ne connaissait pas est morte quelque part, et voilà toute une fortune, et des meubles, et des malles pleines de choses.

Les malades entretiennent les familles, les morts sont des distributeurs de cadeaux.

Depuis un mois, la vie était sens dessus dessous. Maman, férocement, bazardait tout le passé. Changement d’appartement, mais non de quartier, à cause de la clientèle du docteur Arnaud, bonne à conserver tout de même.

Lui, triste, désapprouvait les reniements, regrettait les vieux meubles de sa misère. Et c’étaient encore des sujets de cris.

— Ne poussez pas le tiroir, Jacques ! Max !… Vous allez me casser les jambes !

La bonne finit par accourir aux cris, suivie de la cuisinière, entrée en service depuis quatre jours. Elles déclarèrent que c’était honteux, et les garçons se tournèrent contre elles, pour la délivrance d’Élysée qui commençait à pleurer.

On avait décidé (idée de maman), qu’ils changeraient de lycée, le leur n’étant plus assez chic pour des jeunes gens riches. Élysée aussi devait changer de cours. En attendant, les trois, subitement en vacances, trouvaient la vie bien amusante, parmi