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la mère et le fils

choses auxquelles je pense depuis longtemps. Moi, je suis trop gros, trop vieux, et Dick n’est pas assez beau. Il faut être beau, vous le savez, pour certains numéros à cheval, exactement comme pour travailler avec les lions.

— Ah !…

— Oui. Ce sont les lois du cirque. Well ! Je sais que vous viendrez plus vite qu’un autre à bout de l’affaire à laquelle je pense. C’est une suite de tours vraiment prodigieux.

— Quels tours ?

— Vous le saurez. C’est vous qui devez faire ça.

— Je suppose, fit Irénée, toujours amer, que n’importe qui peut les faire, ces tours !

— Non, garçon ! Dick refuse, si vous voulez la vérité.

— Oh ! Oh ! très dangereux, alors ?

— Très dangereux. Mais ce sera trois cents francs par représentation.

Un silence passa. Le grand Américain et le petit Français se regardèrent dans le blanc des yeux. Irénée, dégrisé, désormais, se sentait aussi fort que l’autre. S’il acceptait ce marché-là, ce serait pour l’argent.

— Vous hésitez ?… dit enfin Johny John. Vous m’avez raconté un soir que vous étiez un casse-cou, un fou, un fils de famille à la dérive.

— Je suis tout ça…

— Alors, vous n’avez pas peur, je pense ? Avec votre audace on ne se fait jamais de mal, même s’il y a des chutes.

— Peur ? répéta Irénée.

Et, dans ses yeux de sirène, il y avait un petit rire amusé.

Et soudain, à cause de ce mot, le goût du risque reflua, lame de fond, dans son être tout jeune, aimanté depuis l’enfance vers l’aventure.

Ses prunelles d’azur jetèrent des feux. Les narines de son nez court s’ouvrirent.

— J’accepte.