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la mère et le fils

Il n’avait pas pu obtenir de voir cette affiche, et ne savait exactement à quel moment de la soirée il passerait. Mais on lui avait recommandé d’être habillé dès huit heures, prêt à monter à cheval.

« C’est drôle que le costume fait pour Dick m’aille si bien ! Un peu trop large, mais j’aime mieux ça. Ce qu’on se sent bien, dans un costume comme ça, tout de même ! Et quelle allure ! »

Tout seul dans cette nouvelle chambre d’hôtel à bon marché (un autre hôtel situé plus près du cirque), subitement il se rendit compte qu’il n’avait personne à qui faire part de son ivresse.

Personne ! Et tant de choses à raconter ! Et toutes ces merveilles dans le cœur !

Rien. Moins de dix-sept ans, et pas un proche, pas un ami. Demain soir, nul ne palpiterait pour lui quand il bondirait sur la piste. Nul ne l’embrasserait quand il sauterait de son cheval…

Il avait voulu cette vie. Il secoua sa tête redressée, une espèce de satisfaction âpre essaya de durcir son âme. Mais il retomba vite assis sur sa chaise, pauvre petit qui a le cœur bien gros.

« Je m’habituerai… Il faudra bien… » De nouveau la géographie dansa devant ses yeux. Départ… Départ. Mais partout où il irait, il serait aussi seul que ce soir.

Il fit un grand effort pour retenir ses larmes. Pourquoi ? Personne ne le voyait ! Cependant il trouvait lâche de se laisser attendrir ainsi sur lui-même. Il voulait être un homme. N’était-il pas responsable de tout cela ?

Responsable, libre, seul.

Il se leva pour marcher de long en large.

« Allons ! Je vais me coucher tout simplement, et tâcher de dormir. Ne compliquons pas ! Ne compliquons pas ! »