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la mère et le fils

— C’est.

— Il est courageux, par exemple !

Le grand sauvage haussa les épaules avec une grimace. Puis il se mit à rêver, complètement détaché de la conversation.

— Vous n’avez pas besoin d’un garçon à tout casser, un fou, un type qui apprendrait tous les tours en un rien de temps, qui se passionnerait pour cette vie-là, qui obéirait à tous les ordres et qui aurait de l’initiative, un orphelin qui ne laisse rien derrière lui que des morts — moi ?

Johny John regardait le plafond en fumant et mâchonnant. Il sifflota pendant une minute au moins, cracha par terre, et dit enfin, mollement, sans quitter des yeux le plafond :

— Vous voulez venir demain matin au cirque, avant neuf heures, exactement avant neuf heures ?… Si vous n’avez pas peur de ce que je vous demanderai de faire, je vous prends. Il faudrait savoir le numéro en huit jours. Vingt francs par soirée ou matinée ; et votre costume, naturellement.

Les prunelles élargies, le petit resta d’abord muet. Le regard du cow-boy descendit du plafond lentement, puis se posa, sans couleur, absolument fixe. Irénée reçut cela droit dans les yeux.

— Je viendrai demain, dit-il, avant neuf heures.

All right !

Tous deux, sans savoir pourquoi, s’étaient levés ensemble. Seul, Irénée titubait.

— Au revoir !… dit l’homme en tendant la main.

À la porte du cirque il hésita longtemps, ne trouvant pas l’entrée des artistes. Il franchit enfin la loge d’une concierge qui ne le regarda pas. Il aimait mieux ne rien demander, par peur d’être éconduit. Il chercha tout seul, passa dans une