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la mère et le fils

— Comment était-elle ?

— C’était une bien charmante dame, monsieur !

— Elle était jolie ? Grande ? Petite ? Brune ?… Blonde ? Racontez-moi !

— Elle était mince comme un fil, monsieur, grande, toujours pâle, avec des grands yeux noirs et des cheveux noirs. Elle était toujours habillée en noir aussi. Je vous parle de son jeune temps. Elle était bien jolie. Après, la pauvre dame en avait perdu beaucoup.

— Quel âge avait-elle quand je suis né ?

— Elle devait approcher de cinquante ans, monsieur !

— Elle est morte, n’est-ce pas ?… (Sa voix avait tremblé.) Mon oncle Édouard est bien veuf et non pas divorcé ?

— Oh ! oui, monsieur ; elle est morte, il y a longtemps ! On ne divorce pas dans la famille de Charvelles, ajouta-t-elle d’un air désapprobateur.

— De quoi est-elle morte ?

— Nous n’avons pas bien su, monsieur. M. Édouard de Charvelles et M. Derbos, dans le moment, étaient fâchés. Trois ou quatre ans après la mort de M. Derbos, votre oncle, M. Édouard, s’est remis avec votre mère, et il a dit que Mme Édouard était morte d’une langueur. Elle était sans doute poitrinaire.

— Ah ! Oui !… Alors ils étaient fâchés. Mais maman et ma tante s’aimaient toujours bien, n’est-ce pas ?…

La cuiller en suspens, elle le regarda ; puis, levant les yeux au ciel :

— Deux sœurs, autant dire !

— Et elles étaient séparées ?… Non ! elles se voyaient toujours, n’est-ce pas, malgré la brouille ?

Hortense regarda par terre d’un air faux.

— Oh ! non, monsieur !… Ce n’était pas possible avec le caractère de ces messieurs !

— Ah ! ah !… Alors ma tante ne venait jamais plus ici ?… Elle avait cessé de me connaître, par conséquent.

— Oui, monsieur.