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la mère et le fils

« Oui, des étrangers, d’après tout ce que j’ai vu d’eux, d’après tout ce que vous m’avez raconté. Heureusement, maintenant que la mignonne que nous aimions tant est revenue sous une autre forme. Car rien ne me retirera de l’idée que c’est elle qui reparaît en ce miraculeux petit Irénée, qui mérite si bien son nom par ses yeux. Comme Irène de Charvelles l’aurait aimé ! Quelle pièce de vers elle eût composée sur cet enfant !

« Non, ma chérie, ne craignez pas de trop l’aimer. Vos gros patapoufs, François et Marcel, ne s’apercevront même pas qu’il est le préféré. Pour le moment, rien de plus naturel qu’il soit le roi de la maison, puisqu’il est le baby toujours sur vos genoux, et eux des adolescents au collège. Plus tard… Ne pensons pas à plus tard. Celui-là seul est votre fils, vous le savez aussi bien que moi, et je n’ai nul besoin de prêcher à une convertie.

« Mais je babille et vous attendez la légende. Tournez la page et vous la trouverez.

« Je vous embrasse de tout mon cœur, ainsi que votre petit chéri.

« Votre belle-sœur qui vous aime,

« Marguerite. »

Les mains tremblantes, la respiration courte, il retourna la lettre, et poursuivit :

La Légende de la Sirène

Mme Parlemont de Vergne, qui vivait sous le Premier Empire, racontait que, toute jeune mariée et enceinte depuis peu de mois, elle rêva, une nuit, qu’elle accouchait non d’un enfant, mais d’une sirène. Elle avait, dans son rêve, vu si distinctement les yeux de l’étrange nouveau-né qu’elle les eût dessinés et peints, disait-elle, comme d’après nature, si le ciel l’eût douée du talent nécessaire. Or, quand son enfant vint au monde, il se trouva que c’était une fille, laquelle, dès