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la mère et le fils

sourire de petit garçon auquel tout sera pardonné dans un instant.

— Maman ?

Pendante, étrangement vieillie, animée d’un mouvement régulier, la bouche de la malade semblait sucer indéfiniment le vide.

Il ne voulait pas ; mais, épouvantablement, il crut comprendre.

Il y avait des pas dans le couloir. Il les reconnut. Il ne se retourna pas quand la mère Hortense entra. Le sang retiré des veines, sans quitter des yeux ce qu’il contemplait :

— Mère Hortense… Qu’est-ce… Qu’est-ce que ça veut dire ?…

— Comment ! C’est vous ?… cria la vieille.

— C’est moi !… C’est moi !…

Toujours à genoux, il se tourna tout entier vers elle, béant et décoloré.

— Maman… Qu’est-ce qu’a maman ?

La bonne femme leva les bras et les yeux. Puis, retenue par une pudeur, n’osant le dire, elle se toucha le front du bout de l’index, et tout son être exprima silencieusement la vérité.

Sans cesser de fixer la servante, il se releva lentement et vint à elle.

— Allons par ici… chuchota-t-il très vite. Venez me dire…

Il l’entraîna dans le couloir aux carreaux coloriés. Sur le seuil, il se retourna vers le lit. Sa mère n’avait changé ni de pose ni de regard.

Il titubait. La vieille Hortense, dans le couloir, crut qu’il tombait évanoui.

— Asseyez-vous… Asseyez-vous sur le coffre, monsieur Irénée… je vais tout vous dire… Je ne sais pas si c’est quand elle a trouvé votre lettre, le jour où vous êtes parti, voilà bientôt un an. Pour vous dire le vrai, personne ne sait si elle l’a lue, votre lettre. Ces messieurs de Charvelles, vos oncles, ont dit que, si elle l’avait lue, on ne l’aurait pas retrouvée,