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la mère et le fils

— Voilà la grille !

Elle était grande ouverte. Pourquoi ? Le cœur étreint, il entraînait Marie, presque en courant, à travers le parc.

Quand ils eurent atteint ce qu’il voulait voir d’abord :

— Le cheval ?… Où est le cheval ?…

Car le vieux bosquet, vide de sa statue de plâtre, était ravagé, piétiné, défiguré.

— Oh ! mon Dieu !… Viens vite ! Viens vite !…

Le soleil levant éclatait à travers le bois sec de l’allée d’hiver.

Irénée, au bout de cette allée, s’arrêta net.

— La maison ?… Où est la maison ?

Car il n’y avait plus qu’un amas de démolitions.

Des brouettes, des pelles, des pioches lui apprenaient que la demeure n’était pas tombée en ruines, mais qu’on l’avait rasée, pour en reconstruire une autre, évidemment, car des monceaux de briques neuves attendaient déjà là.

— Maman !… fit-il, dans un cri sourd, en lâchant le bras de sa frêle compagne.

Elle le vit s’avancer de trois pas égarés, puis reculer, le front dans la main. Sa stupeur se prolongea longtemps. Enfin, d’un bond, il fut au milieu des plâtras qu’il examina longtemps, le front bas, qu’il fouilla un à un, baissé dans la poussière.

Ce qu’il cherchait, cherchait comme l’ultime débris d’un trésor perdu, ce qu’il ne trouvait pas, c’était un ou deux petits bouts de verre coloriés venus du couloir qui précédait la chambre de maman. Mais tout lui était refusé, même cela. Féerie néfaste, son vieux cheval de plâtre, père abstrait de ses étalons vivants, s’était, d’un bond invisible, précipité dans le néant. Sa maison croulante, habitée par des ombres, avait disparu.

Restée à sa place, la petite Lénin n’osait pas faire un geste. Irénée revint enfin vers elle avec des yeux tels qu’elle se retint pour ne pas crier.

Il l’avait reprise au bras et, de nouveau, l’entraînait en sens inverse.