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la mère et le fils

de génie qui devait être son père. Cet enfant est mon péché vivant, mon remords fait chair, ma condamnation.

Ses frères, insouciants et superficiels comme ils le sont, ne s’aperçoivent de rien, heureusement. Mais, lui, pauvre petit, quelle va être sa destinée ? Déjà je l’écarte de la musique pour laquelle il était né, et à laquelle il n’a pas droit, parce qu’elle serait l’affichage public de son origine. Déjà je l’écarte de ma tendresse passionnée à laquelle il n’a pas droit non plus, parce qu’elle prolongerait mon crime. Il est mon enfant, et je dois le fuir comme on fuit un tentateur. Innocent, il faut qu’il subisse le joug, qu’il soit frustré de sa mère, parce que cette mère a commis la faute sans pardon.

Parfois, quand il lève sur moi ses beaux yeux qui ne comprennent pas… Mais non. Je ne puis m’étendre sur ce déchirement de tous les jours. Pardonnez-moi. Je pleure à chaudes larmes en vous écrivant, ma chérie. Je ne puis plus. Avez pitié de votre misérable belle-sœur, qui n’ose plus vous embrasser.

Votre malheureuse,

Marie.