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l’hermine passant

sang dans les coins, Marie-Louise et moi ; Nanon et son mari, espions tous les deux, et tout le monde détestant et soupçonnant les autres, tout le monde ! Tout le monde ! Tout le monde !…

Une convulsion sembla prête à la tordre. D’un geste aussi violent que le bond d’un tigre sur sa proie, elle mit en morceaux la lettre, s’acharnant sur le papier, ses ongles le déchirant comme des griffes.

Terrifiée, Marguerite la regardait. Elle la vit se lever toute droite, puis se jeter à genoux, et reçut dans le creux de sa jupe la tête de la malheureuse petite, pâmée par une crise d’affreux sanglots…

— Bertrande ! Bertrande ! Mon enfant ! Ma chérie ! Calmez-vous ! Calmez-vous !

Elle se mit à la bercer comme un bébé qu’on endort. Penchée, pleurant aussi :

— Tout ça je l’avais deviné, pauvre petite ! Je l’ai même écrit. Je peux vous montrer mon journal. « Des yeux d’enfant martyre. » J’ai tracé ce mot-là. Je le savais, rien qu’à vous voir, qu’ils étaient effrayants, les vôtres ! Des malheureux qui vivent oisifs dans leur château quand ils devraient être