Page:Delarue-Mardrus - L’hermine passant, 1938.djvu/134

Cette page a été validée par deux contributeurs.
134
l’hermine passant

Immobile et comme en état d’hypnose, la petite commença d’une voix que l’autre ne connaissait pas, âpre et saccadée :

— Je n’oserais pas vous la lire, cette lettre ! Elle est de ma mère, écrite sous la dictée de Mlle Tuache. On m’écrit que… Oh ! c’est trop ! C’est trop ! Et pourtant, Marguerite, si vous saviez comment on vit à la Quinteharde, dans quelle malédiction ! Ah ! ah !… Ils ne m’ont plus là pour que je sois leur principale esclave ! Ah ! ah !… mademoiselle « l’inconvénient de votre mère », comme dit papa ! Ses broderies, sa grammaire héraldique !… Et forcée de lui obéir, moi qui ne désirais que la tuer ! La tuer !… Toujours obéir, toujours obéir ! Sans vous, elle me mariait de force avec Philippe de Tesnes qui bat ses chiens et qui bat aussi sa mère au besoin, après avoir été roué de coups lui-même tant que son père a vécu, Philippe de Tesnes un ivrogne dangereux, une brute qui m’aurait battue aussi. Et j’aurais eu des enfants avec ça, moi ! Je l’avais écrit à ma sœur la religieuse, elle qui a fui la Quinteharde pour le couvent, une rigolade à côté de la famille, comme disait