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l’hermine passant

de notre archange. Il passait à la limite des bois de la Quinteharde, suivi de ses chiens, vêtu d’un velours de chasse crotté, le cou dans les épaules, son vieux feutre enfoncé jusqu’aux yeux. La grosse moustache rouge éclatait dans tout ce brun. Il avait à la main un bâton de bouvier. Le regard qu’il nous lança, petits yeux noirs perdus dans l’ombre du chapeau, fut celui d’un assassin. Nous marchions entre Marie-Louise et la gouvernante, garde ordinaire de Bertrande que, pas une fois pendant ces brèves fiançailles, on n’aura laissée seule avec mon frère.

Le tressaillement des deux petites en le voyant et l’arrêt brusque de la gouvernante nous révélèrent la terreur qu’on avait désormais de l’ami d’enfance. Comment Mlle Tuache l’avait averti de sa disgrâce, nous n’en savions absolument rien. Les mystères de cette demeure, on les respirait partout. Ils faisaient corps avec l’aspect du château, son ameublement, ses lampes à huile, sa domesticité, les silences, les regards, les allures furtives de ses habitants.

Nos arrivées quotidiennes en auto, les journaux que nous apportions, les conver-