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Elle m’a dit : « Il faut mourir avant la honte
» De vieillir dans ta chair et ta pensée. Il faut
» Tomber, chantant encor, comme Orphée et Sapho,
» Quand ton désir de tout t’accable et te surmonte.

» Je te délivrerai du doute de ton cœur.
» Tu seras dans la terre ainsi qu’une semence,
» Tu sauras tout ce qui finit et recommence,
» Tu connaîtras l’Après dont les vivants ont peur. »

— J’ai dit : « La fin hâtive est un destin qu’on vante,
» Mais je renonce à son prestige funéral.
» Car l’horreur de vieillir est encore vivante,
» Et je crains mon néant encor plus que mon mal.

» J’ai peur de ne plus rien connaître dans ta fosse !
» À quiconque est passé, qu’importe l’Avenir ?
» La vie a beau durer, ma sensation fausse
» Dit vrai : Le monde meurt de mon dernier soupir.

» Si loin qu’on se souvienne et si longtemps qu’on pleure,
» Quels longs regrets vaudront jamais mon cœur battant ?
» La mort ! La mort ! Recule encor ma dernière heure,
» Laisse-moi vivre pour t’aimer. Je t’aime tant !