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La Figure de proue


Moutons, moutons humains ! Foules ! Tous les sans nom
Tous les sans droits, venez ! C’est le jour du délire
Des cœurs. S’ils sont en vous tendus comme des lyres,
Chantez, huez, gueulez plus fort que les canons !

Vos millions de voix réveilleront le monde.
Toutes les nations, prises d’étonnement,
Écouteront debout comme le souffle gronde
D’un peuple, génial poète d’un moment.

Ivresse ! Ô coup d’épaule aux portes millénaires,
Air vierge respiré pour la première fois,
Sombre fléau faisant à grands coups, sur son aire,
Sortir la liberté de la gerbe des rois !

— Or, nous vous l’enseignons, vous tous qui voulez vivre
Pas de mornes revers aux géantes horreurs
Des révoltes. Gardez vivante dans vos cœurs
Cette exultation du jour qui vous délivre.

Que chacun porte en soi toute l’humanité.
N’accueillez pas dans vos esprits l’oubli du crime ;
Que ne s’y taise point la clameur unanime,
Le cri d’accouchement de votre liberté.


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