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La Figure de proue


Je pense à toi, je pense à toi dans les soirs roses,
Jeune femme, ma sœur, jeune morte, ma sœur !
Tu me parles parmi l’éloquence des choses,
Et ta voix, ô vivante, est pleine de douceur.

Salut à toi, dans la douleur de la lumière
Où tu vécus d’ivresse et de fatalité !
Le désert est moins grand que ton âme plénière
Qui se dédia toute à son immensité.

Toi qui n’étais pas lasse encore d’être libre,
D’avoir tant possédé tout ce que nous voulons,
Ni que toute beauté frissonnât par tes fibres
Comme un chant magistral traverse un violon,

Pourquoi la mort si tôt t’arrache-t-elle au monde,
Ne nous laissant plus rien que l’admiration,
Alors qu’il te restait encore, ô vagabonde,
À courir tant de risque et tant de passion ?

Tout se tait. La bêtise immense et l’injustice
Qui te regardaient vivre avec leurs yeux si gros,
Ne te poursuivront plus, au milieu de la lice,
Du hideux cri de mort qui s’attache aux héros.


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