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La Figure de proue


Je poserai des yeux différents sur les choses
D’avoir, entre mes cils, tenu tant d’horizons.
Je possède déjà plus que notre raison
D’Europe, ayant dormi certaines nuits de roses.

Le monde reste grand pour qui le voit de près.
On lève vers le ciel une face accueillie
Aux jours qu’on s’accompagne, à travers les forêts,
D’une traîne de fleurs et de branches cueillies.

L’esprit vole aussi haut qu’un grand archange clair
Quand on ouvre les bras vers des mers ineffables,
Qu’on va, sur une bête emportée au désert,
Éventrer le soleil qui se meurt dans le sable.

On goûte plus avant, le cœur gonflé d’adieu,
La couleur, le parfum, la musique des villes,
Et leurs femmes d’un soir, belles comme des dieux,
Secouant sur leurs bras des bracelets serviles.

Comme j’ai soif encor de couchants ensablés,
De cités au soleil, d’ardentes forêts vertes !
Que je sens tous les lieux où je voudrais aller
Me fasciner du fond de l’étendue offerte !


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