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Comme tout le monde

— Je suis très heureuse de vous dire que mon mari est enchanté de M. Chardier. Ma belle-mère aussi. C’était toute une affaire de lui changerr son avoué… Mais enfin que fairre ?…

Un demi-sourire mystérieux glissa sur son jeune visage pâle. Elle fit entre ses dents :

— M. Lautrement ne plaisait plus à mon mari…

Elle ajouta très vite :

— Ou plutôt madame Lautrement…

Mais Isabelle n’entendit pas cette remarque importante. Elle était trop tendue d’attention. Elle ne voulait rien perdre des louanges que, tout à l’heure, elle répéterait à Léon textuellement.

Une joie confuse la possédait en même temps que l’angoisse de se dire qu’on arrivait dans un instant, qu’il allait falloir descendre de l’auto avant même d’avoir pu reprendre sa respiration. Elle eût souhaité que ce voyage durât de longues heures, afin de trouver le temps de se remettre, de goûter jusqu’au fond ce plaisir inouï, par le hasard offert. Dans cette automobile, n’était-elle pas assise à côté du bonheur ?

Être la marquise de Taranne Flossigny ; vivre dans ce luxe perpétuel ; passer à travers l’existence, couverte de fleurs et de parfums, sur ces deux petits pieds chaussés de violet ; avoir cette autorité, ce port, ce profil de reine ; être la femme du marquis…


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