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Comme tout le monde

incompréhensible revenait sans cesse : « Mais enfin, que fairre ?… »

Isabelle sentait que son stupide silence devenait une impolitesse. Elle fit un grand effort, et, comme on ne pouvait la voir rougir, elle dit enfin à tout hasard :

— Votre petit garçon va bien, madame ?

— Oui, merci… dit la marquise.

Elle remua sur les coussins, passa son bras dans la lanière, allongea son pied qui soudain apparut étroitement chaussé d’un soulier violet.

Les yeux d’Isabelle s’immobilisèrent sur ce petit pied violet qui la stupéfiait. Était-il possible qu’une dame moderne fût ainsi chaussée comme dans un conte de fées ! Instinctivement, la pauvre Isabelle renfonça sous sa jupe ses deux bottines usagées, toutes crottées par la promenade. Elle avala sa salive avec peine et reprit, cramponnée à cet unique sujet de conversation :

— Votre petit garçon a deux institutrices allemandes, n’est-ce pas ?

La marquise eut un sursaut.

— Oh ! non !… pas allemandes !… dit-elle de toute sa haine de Magyar qu’Isabelle, d’ailleurs, ne pouvait comprendre. Pas allemandes ! L’une est anglaise et l’autre suédoise.

— Oui… dit faiblement Isabelle.