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Comme tout le monde

dans la nuit comme à l’abîme. Et tout son corps se crispait nerveusement, délicieusement.

Ce fut la marquise qui, la première, parla.

Elle ne posa pas à Isabelle les monotones questions auxquelles la petite femme s’était habituée dans les salons de la sous-préfecture. Elle dit d’abord :

— J’aime beaucoup la neige. On a toujours envie de se rouler dedans, n’est-ce pas ?

Et sa voix chantante prononçait si drôlement, si joliment les mots. Elle disait : « Se roulerr dedans. »

Elle ajouta, sans qu’Isabelle devinât pourquoi :

— Mais enfin, que fairre ?

— Oui… murmura Isabelle toute décontenancée.

Elle osa tourner un peu la tête, vit le profil pâle et lisse de la dame, couvert d’ombre par l’immense et plumeux chapeau noir qui la coiffait. Des vêtements sombres, des zibelines enveloppaient sa précieuse personne. Elle était en demi-deuil.

— Nous sommes venus pour la Noël, reprit-elle au bout d’un instant. Je donne un arbre tous les ans aux petits du pays.

Elle expliqua cette fête. Arrivés le matin même, ils avaient commencé les apprêts au château. Elle allait maintenant en ville pour des achats.

Son accent donnait de la saveur à ses moindres paroles. Comme une virgule, la petite phrase