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Comme tout le monde

effrayée s’agrippait à la main d’Isabelle, en pleurant. La tête en avant, serrée contre la petite bonne qu’elle aidait à pousser la voiture, Isabelle essayait d’avancer plus vite. Et cela composait, parmi le tournoiement de neige, dans la nuit tombante, un petit groupe noir en détresse.

Les contours des choses avaient disparu. Les flocons, dans l’ombre, semblaient devenir foncés. Le silence s’assourdissait encore à chaque pas.

Et, tout à coup, le ronflement d’une auto s’entendit par derrière, venu du bout de l’horizon. Puis cela se rapprocha. La voiture, comme lancée dans l’espace, arrivait. Isabelle tourna vivement des yeux sans espoir vers l’apparition vertigineuse. Elle s’apprêtait à refermer ses paupières fouettées de flocons, quand une chose extraordinaire arriva. Sur la route crépusculaire agitée de neige, l’auto s’était arrêtée. Il y eut un bruit de glace baissée. Une voix de femme appela :

— Madame ?…

Isabelle, la bonne, Zozo, pétrifiées sur place, regardèrent.

— Madame ? reprit la jolie voix, venez, madame. Vous êtes la femme de notre avoué, je crois ?

L’accent est celui d’une étrangère. C’est la marquise de Taranne Flossigny.

— Vous ne pouvez pas être sur la route par un