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Comme tout le monde

La petite femme, un peu serrée dans sa belle robe d’hiver, sourit de son mieux à ses hôtes qui, tout de suite, se sont mis à parler politique avec Léon. Trois d’entre eux ont l’air de messieurs comme les autres, mais on prendrait M. Ledodu pour un paysan. Il ne lui manque qu’une blouse bleue sur sa redingote. Chacun sait qu’à table il coupe son pain au couteau, noue sa serviette à son cou. Cependant il ne garde plus son chapeau sur sa tête depuis la leçon que lui fit madame Levoisin-rentière.

Cette personne, qui est quelque chose comme une ancienne servante de ferme épousée sur le tard, mais qui passe à peu près pour une dame dans le pays, s’est souvenue un jour de ses origines, car ce sont choses qu’on ne saurait jamais oublier. Soudain grossière, mal embouchée, elle a dit au malheureux notaire attablé d’aventure chez elle :

— Ben vrai ! On peut le dire qu’il n’y a que les cochons qui gardent leurs chapeaux sur leurs têtes, à table !

Et cette étonnante remarque a guéri du coup le notaire campagnard de ses mauvaises habitudes.

La langouste en retard arriva enfin. Mais le pâtissier n’avait pas cru devoir la dresser. Isabelle, en belle toilette, dut descendre furtivement