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Comme tout le monde

Les promenades qu’Isabelle continuait avec persévérance devinrent boueuses et désolées. Pourtant elle n’avait pas encore perdu l’habitude de soupirer chaque fois qu’elle passait par l’endroit où le marquis l’avait saluée. Malgré tout, cet endroit éveillait encore en elle quelque chose. Cet endroit lui était ami.

Au cours de ces mornes six mois, il y eut cependant un grand événement. Le petit lion, ayant atteint l’âge d’un an, se mit un jour à marcher tout seul. Les mères, en cette occasion, sont à la fois heureuses et mélancoliques. Les premiers pas, première étape de la vie. Le petit semble s’arracher définitivement du giron maternel. Il n’a plus besoin qu’on le porte. Il ne sera plus nécessairement collé sur le corps chaud qui l’a mis au monde. Il prend possession de l’espace. Il s’éloigne. Il cesse d’être infirme. Il devient presque une personne. Un peu plus tard, ce sera la première culotte, qui semblera déterminer son sexe. Plus tard encore ce sera la naissance des moustaches, qui, du garçonnet, feront un homme.

Un âge, déjà, venait de finir pour le petit lion. Il était encore le bébé, mais il n’était plus le poupon.

D’ailleurs, en ce nouvel état, il devenait terrible. Son entourage vécut dans les transes. On craint qu’il ne se cogne la tête aux angles des tables,


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