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Comme tout le monde

regard humain… Quand vous vous êtes tue et que vos lèvres vibrent encore, quand vous êtes dans cet état merveilleux où nous met la musique, pourquoi donc avez-vous cette poitrine gonflée de chagrin, ces yeux pleins de larmes ? Petite Isabelle, vous ne pouvez pas connaître, n’ayant pas vécu, l’âpre et parfaite volupté de la solitude, la joie qu’on a de se sentir merveilleux pour soi-même. Il vous semble que quelque chose vous manque, qu’une obscure injustice vous est faite, que vous perdez votre jeunesse, que vous passez à côté de la vie… Mais ce ne sont que des moments, petite Isabelle, L’émotion passée, comme vous redeviendrez vite la bonne ménagère que vous êtes, comme vous sourirez gentiment, entre deux besognes ennuyeuses, à vos enfants joufflus, à votre homme insignifiant que, tout de même, vous aimez bien…


Un peu de distraction, les premiers temps, marqua seule chez Isabelle la tristesse du rêve qui s’éteignait à peine suscité.

C’était surtout à table que cette distraction apparaissait. Isabelle ne surveillait plus Zozo qui, naturellement, en profitait pour se livrer à ces plaisirs qu’on défend d’ordinaire aux enfants et qui con-


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