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Comme tout le monde

place, reprit sa chaussette abandonnée. Maintenant, elle allait laisser l’amertume la gagner. Elle se sentait tellement seule avec ses souvenirs d’enfance, ces chers souvenirs qui n’amusaient pas son mari, auxquels sa fille ne pouvait rien comprendre. Un soupir déjà soulevait sa poitrine, ses yeux se tournaient, furtifs et rancuneux, du côté de Léon.

Mais celui-ci, laissant tomber son journal, dit sur un ton glacial et résigné :

— Peut-on te parler, maintenant ?

— Oui… répondit-elle en pinçant les lèvres.

— Eh bien, voilà… dit Léon avec lenteur, savourant d’avance l’effet qu’il allait produire. Les Taranne Flossigny me confient leurs affaires. La douairière est mécontente de Lautrement. C’est moi qui serai désormais l’avoué de la famille.

Isabelle a fait un bond sur sa chaise. La chaussette, l’aiguille, le peloton de laine, tout est tombé sur le plancher.

— C’est pour cela que le marquis m’a saluée aujourd’hui !

— Comment ?… dit Léon.

— J’avais oublié de te le dire, fait Isabelle. Tantôt, à la promenade, il passait à cheval, il m’a tiré son chapeau…