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Comme tout le monde

facile et bonne. Entre les heures réservées à la couture et au ménage, elle put reprendre ses exercices de chant et ses promenades. Il faisait beau. Les affaires de Léon semblaient devoir prospérer. La petite femme se sentait heureuse.

La première fois qu’elle se retrouva sur la route Sainte-Marie avec madame Chanduis, elle connut le bonheur de raconter longuement ses ennuis à l’excellente notairesse qui lui raconta les siens. Leur conversation fut animée et copieuse. Ces deux femmes n’imaginaient sans doute pas autre chose de l’existence que d’avoir des soucis de ménage et de les raconter ensuite en détail.

Cependant, comme elles cheminaient ce jour-là, tandis que leurs enfants, se tenant par la main, les précédaient en sautant d’un pied sur l’autre et que la petite bonne poussait la voiture du bébé, toutes les têtes se retournèrent à la fois pour voir passer, au trot, un cavalier qui faisait tourbillonner autour de lui la poudre d’or de la route.

— Le marquis !… souffla madame Chanduis.

Mais Isabelle n’avait pas eu le temps de dilater ses yeux roux comme ceux des lièvres, que le marquis soulevait son petit chapeau gris, et, sans ralentir sa bête, saluait. Ostensiblement, c’était Isabelle qu’il saluait. Ce ne fut qu’un éclair. Déjà le bruit régulier des quatre sabots s’éloignait.