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Comme tout le monde

la haine cachée des domestiques pour leurs maîtres. Elle n’osait affronter en face la colère de Léon, laquelle, montée à ce degré, l’effrayait ; mais, comme une bonne injustement malmenée, elle avait envie de maugréer entre ses dents, tout en se précipitant pour servir : « Sale riche, va !… Sale patron !… »


Au bout du sixième jour, les choses, un soir, parurent se détendre d’elles-mêmes. Un petit loisir s’offrit après dîner à la pauvre Isabelle, toute décoiffée par ses besognes. Les pieds las de traîner les savates du ménage, le bras ankylosé par le poids du petit lion, les reins cassés, la cervelle embrouillée de petits soucis serviles, elle alla s’asseoir au piano. Car l’aventure de ces quelques jours ne l’avait pas empêchée, à travers toutes ses occupations, de ressasser son désir entêté de chant. Interrompue en pleine méthode, elle voulait, de tout son élan, continuer le progrès commencé.

La voici donc assise, reprenant avec délices les vocalises laissées en plan. Par esprit d’économie, pour qu’une seule lampe soit allumée, Léon s’est, avec ses journaux, transporté dans le salon. Comme il est encore trop tôt pour la mettre au lit, Zozo