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Comme tout le monde

qui vient de rentrer. Il a faim, l’heure du dîner est sonnée et le couvert n’est pas mis.

Depuis que la petite bonne est alitée, l’énervement de Léon augmente chaque jour. Un mari veut que tout soit prêt à l’heure dans la maison, mais ne s’inquiète jamais de savoir comment. Le miracle du ménage lui échappe. Il ne s’aperçoit des tracas quotidiens du logis que lorsque les choses vont mal.

Léon a faim. Un homme qui a faim est un homme en colère. Il crie dans le corridor, tape du pied. Isabelle court. Le lait de la soupe, renversé par le chat, a été remplacé à la hâte par celui qu’on réservait pour le biberon de bébé. Mais ce nouveau lait, oublié dans la fièvre générale, passe par-dessus la casserole. Une odeur de brûlé se répand. Léon, du fond du corridor qu’il arpente, fait entendre des gros mots et donne des coups de poing dans les murs. Alors Zozo, sautillante, revient du jardin, et, de sa voix de tête qui perce tout le tapage :

— Quand est-ce qu’on va dîner, maman ? Quand est-ce ? Quand est-ce ?


Isabelle, tremblante d’émotion, pâle de fatigue, ivre de découragement, commençait à comprendre