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Comme tout le monde

maléfique tablier de sa bonne estropiée, s’attarde à la cuisine, essayant de faire comprendre quelque chose à la nouvelle servante.

Comme le petit lion la gêne, avec ses mains de huit mois agrippées à ses cheveux, avec ses petits coups de reins joyeux et brusques qui la font presque trébucher ! Elle a peur, en se penchant sur le fourneau, de brûler l’enfant ; elle songe que Zozo, toute seule au jardin, doit faire quelque sottise ; que la petite bonne, couchée en haut, appelle peut-être désespérément quelqu’un ; elle songe que le ménage, auquel elle s’est acharnée depuis ce matin, n’est pas fini, qu’il y a partout désordre et poussière, que sept heures vont sonner, que Léon va rentrer et que le dîner n’est pas du tout prêt.

Aujourd’hui, parmi cet affolement, le chat noir, attiré par l’odeur du fricot, rôde en silence dans la cuisine, saute sur la table. Il va sûrement voler quelque chose. Isabelle n’a pas le temps de se retourner, mais elle sent autour d’elle le frôlement de cette bête dont elle a peur. Cette bête, l’âme verte du diable est dans ses yeux obliques. Il y a en elle quelque chose de mystérieux, d’électrique, de presque déshonnête qui déplaît instinctivement à Isabelle. Tout à coup, un fracas, un cri. La boîte au lait est tombée par terre. Le chat s’enfuit.

Juste à ce moment, on entend la voix de Léon