Page:Delarue-Madrus - Comme tout le monde.djvu/44

Cette page a été validée par deux contributeurs.
32
Comme tout le monde

n’avait pas encore dit un mot ni fait un geste, s’était levée aussi, comme au commandement. Les tasses circulaient.

Derrière les vitres, le jardin remuait au vent tiède de juin commençant. Des cris de gosses s’entendaient parmi les branches. Quelques-unes de ces dames avaient amené leurs enfants qui jouaient avec le petit Chanduis.

Isabelle, assise du côté d’une fenêtre, ne put s’empêcher de soulever le rideau de tulle pour regarder dehors, avide de voir un jardin qu’elle ne connaissait pas. Elle aperçut près du massif de roses le groupe des petits garçons et petites filles, occupés à transpercer d’une épingle un scarabée, puis à le regarder se débattre ainsi poignardé. L’âme noire de l’enfance invente tout naturellement ces jeux. Isabelle aurait voulu courir pour délivrer la bête d’or suppliciée, mais elle n’osa pas faire un geste, par crainte d’inconvenance.

Le docteur Tisserand vint causer avec elle. Il la considérait d’un œil circonspect, pénétrant comme un bistouri. Maintenant, d’avoir regardé ce jardin, Isabelle sentait en elle palpiter intensément son âme de petite fille, amoureuse du printemps et des belles histoires, son âme où, sans qu’elle le sût, vivait nativement la « note sensible », qu’elle aimait tant dans la gamme mineure. Mais elle n’essaya