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Comme tout le monde

cœur battant, elle courut presque à travers les allées.

Comme toutes celles qui furent élevées près de la campagne, elle gardait, de son enfance mêlée aux feuilles, une empreinte ineffaçable. On eût dit qu’un peu de sève verte était restée dans son sang. C’est pourquoi, sitôt le seuil de cette maison franchi, dès les premiers pas dans ce jardin, elle cessait d’être madame Léon Chardier, femme d’avoué, ménagère soucieuse, mère préoccupée ; elle n’était plus que la petite Isabelle de jadis, l’amie des fillettes anglaises nées dans des prairies bleues de fraîcheur, et qui savent l’histoire de toutes les fleurs, de tous les champignons, de tous les insectes.

Le jardin est grand, désordonné, charmant. Comme Isabelle voudrait, à côté d’elle, sa plus chère compagne d’enfance, Linda, la petite Linda si blonde aux yeux si bleus !

Mais, au tournant du sentier, c’est Zozo qu’elle rencontre.

— Viens voir, maman !… dit la gosse, enchantée de reprendre enfin sa mère. Viens voir le mur qu’est tout au fond !

Déjà l’âme du jardin influe sur Zozo, sans doute.

Arrêtée devant le petit mur bas par-dessus lequel on peut se pencher, sur lequel Zozo grimpe déjà.