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Comme tout le monde

Madame un atelier, et voici la vallée du mariage transformée en vallée de larmes… Sommes-nous justes ? N’est-ce pas un grand crime que nous n’ayons pas le courage de suivre les quelques bonnes résolutions qui nous sont venues, un soir, au coin du feu ?… Mais la moitié de notre chance serait un rêve trop beau, pour les petites femmes en noir, les petites héroïnes épuisées d’anémie et d’angoisse dont les enfants pleurent de faim, dont les maris se suicident après avoir volé ! »

Isabelle, ce soir, découvrait la sagesse, la sagesse des médiocres, la seule qui puisse leur être salutaire.

Elle arrivait à sa porte. Oui, elle allait se précipiter dans la salle à manger où Léon, à cette heure, devait lire tranquillement le journal en attendant le dîner, après sa longue journée d’affaires. Elle allait lui sauter au cou, lui raconter tout, lui dire qu’elle était guérie de toute tristesse, lui apprendre que la vie était bonne et qu’il fallait bien s’aimer, parce qu’on était des gens heureux. Elle allait pleurer de joie en berçant sa fille contre elle, comme elle avait, tout à l’heure, pleuré de compassion sur sa sœur infortunée. Puis elle battrait des mains, puis elle chanterait, parce que la maison était en fête et qu’on allait bientôt célébrer les noces de deux jolis fiancés, parmi la bienveillance et l’estime de tous.