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Comme tout le monde

Rien n’allait comme elle voulait. Par une sorte de contagion morale, toutes les choses qui pouvaient l’ennuyer dans la vie affluaient en elle. Le sourd tourment des dettes se mêlait, dans son esprit, au mal du pays, à l’agacement du tohu-bohu, au souci de sa responsabilité, à la surprise pénible d’entendre, au bras de sa bonne de quatorze ans, piailler le pacifique petit lion, à qui l’on oubliait de donner son biberon.

Au bout de deux heures, on vit surgir Léon Chardier. Encore tout épanoui d’avoir pris possession de son étude, parmi le bruit et le désordre de l’emménagement, il s’avançait, inutile et souriant. Mais, dès qu’elle le vit, Isabelle, cédant à ses nerfs, pleura.

Il l’a emmenée dans un coin. Il parle presque bas, brusque et déçu.

— Quoi ?… Qu’est-ce que tu as ? Tu n’es pas contente ?… C’est ridicule de pleurer devant tous ces gens ! Tu es heureuse, après tout ! Je te donne une maison, un jardin, une bonne… Tes enfants se portent bien… Qu’est-ce que tu veux de plus ? Qu’est-ce qui te manque ?… Explique, voyons ! Explique !…

Mais Isabelle ne peut pas expliquer. Les femmes ne peuvent jamais rien expliquer, pas même leurs petits énervements. C’est pour cela que, plus ou