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Comme tout le monde

souffre… Et je ne peux rien pour sauver ma fille ! Il faut qu’elle se marie, comme les autres, qu’elle ait des enfants, comme les autres, qu’elle les perde, peut-être… ou bien qu’elle découvre qu’ils ne sont pas tels qu’elle les avait souhaités ! Il faut qu’elle se heurte de corps et d’âme à son mari, cet homme, cet étranger… Et qui sait s’il ne viendra pas, pour elle comme pour moi, un jour où elle aimera quelque autre homme, où elle sera tentée… coupable, peut-être…

Le soupir qui lui gonflait la poitrine se mêlait à quelque éclat de rire des fiancés.

— D’ici à ce que sa jolie chevelure châtain devienne de la même couleur que la mienne, ah ! qui sait tout ce qui passera par son petit cœur intact de jeune fille !…

Léon, lui, ne pensait pas à toutes ces choses. Il était heureux de marier sa fille, sans plus. D’ailleurs les hommes, occupés par leurs affaires, n’ont guère le temps de rêver…


Donc, au milieu du joyeux va-et-vient, notre Isabelle est mélancolique. Une envie d’être seule avec son inexprimable tristesse lui fait quitter la maison toutes les fois qu’elle le peut. Elle retourne alors