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Comme tout le monde

trouva seule à l’atelier. Celle-ci avait un petit rhume. Alors les jeunes gens étaient allés se promener avec M. Godin.

— Ce n’est pas étonnant ! s’exclama-t-elle, dès qu’elle vit Isabelle, il m’ouvre les fenêtres dans le dos, sous prétexte que ça sent la peinture !

Plus vivace que son mari, elle levait au ciel ses bras secs, et sa physionomie, ordinairement affable, était toute crispée de contrariété.

— Dire !… poursuivit-elle, dire que, toute ma vie, j’ai désiré un atelier, et que ce piano m’encombre depuis quarante ans ! Et que, depuis quarante ans, j’entends les mêmes gammes, les mêmes exercices, les mêmes petits airs !…

Isabelle, bouleversée, considéra la vieille dame sans pouvoir rien répondre. Ainsi c’était cela, le bonheur des Godin !

— Allons au jardin, voulez-vous ?… dit nerveusement madame Godin, il y fera toujours moins froid qu’ici !

Et, comme elles marchaient côte à côte dans les petites allées :

— Oh !… fît Isabelle, heureuse de trouver un autre sujet de conversation, regardez ce gros crapaud !

Des histoires de fées remontaient à son esprit, du fond de l’enfance abolie. Elle ouvrait la bouche