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Comme tout le monde

Ses yeux s’agrandissaient et roulaient, roux, sous la frange rousse de ses cheveux. Elle voulait tout voir et tout comprendre à la fois.

Le long de cet étroit escalier où sa main dégantée s’empoussiérait à la rampe, tout en surveillant le pas de la bonne, porteuse du précieux petit lion, elle eut le temps de penser à six ou sept réalités désagréables et d’en imaginer autant de charmantes.

Elle s’apprêtait, comme une gamine, à s’élancer dans le jardin pour y retrouver sa fille, quand elle se heurta, juste au bas de l’escalier, aux hommes qui apportaient les malles. En même temps, une voiture de meubles s’arrêtait devant la porte qui donne sur la rue. Trois hommes de grande taille, déménageurs en bonnets de couleur, apparurent le long du corridor et demandèrent des explications ; puis, à leur suite, vint la voisine qui devait remplacer la cuisinière. Vieille, asthmatique et voûtée, elle levait sur Isabelle les yeux mornes, les yeux habitués de celles qui, depuis trop longtemps, servent chez les autres. La petite bonne se mit à parler avec importance, comme si elle eût été au courant de tout. Les hommes du chemin de fer et ceux des meubles continuaient à interroger, l’air pressé. Puis ce fut Zozo, qui, revenue du jardin, se jeta sur Isabelle en pleurant. Elle était tombée