Page:Delarue-Madrus - Comme tout le monde.djvu/299

Cette page a été validée par deux contributeurs.
287
Comme tout le monde

dit qu’elle ne doutait pas un instant de l’intention qu’avaient les Godin de la marier avec leur neveu. Depuis longtemps déjà, elle rencontrait, chez madame Chanduis, ces deux vieilles personnes qui, toujours, avaient manifesté pour elle une sympathie singulière. N’était-ce pas qu’ils tâtaient le terrain ?

Jusqu’à présent, mademoiselle Chardier avait fait semblant de ne pas comprendre leurs invites ; cela l’ennuyait d’aller chez un monsieur et une dame âgés. Les Godin, maintenant, étaient tout à fait des vieillards. Mais l’attrait du neveu l’avait brusquement décidée aujourd’hui. En somme c’était Zozo qui emmenait sa mère chez les Godin.

Elle éclata de rire, tout à coup :

— Si vous aviez vu la figure que faisait Paul Chanduis !…

Coquette et sûre d’elle-même, Zozo goûta pendant un instant le plaisir de faire souffrir son amoureux ordinaire. Ses petites dents cruelles luisaient sous sa lèvre rouge. Il semblait, ce soir, qu’elle s’apprêtait à mordre à même la vie.

Isabelle, de ses yeux abîmés, regardait sa fille avec une terreur admirative. Une intuition qu’elle n’osait même pas préciser la prévenait que cette enfant de vingt ans, sans avoir vécu, en savait déjà