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Comme tout le monde

— Tu verras !… répétait-elle en haussant la voix d’un ton.

Surexcitée, elle énumérait tous les moyens dont elle se servirait pour perdre la Lautrement et Léon. Elle ferait parler madame Plumecoq devant M. Lautrement ; elle prendrait à témoin madame Chanduis que jamais, le mercredi, madame Lautrement n’était venue la visiter ; elle confronterait tout le monde ensemble… Et ainsi de suite.

Elle disait toutes ces choses avec la plus entière mauvaise foi, n’ayant aucune vraie intention de scandale. Mais, de voir trembler de rage impuissante et de peur la moustache grisonnante de Léon ; de le voir se promener de long en large dans la pièce, avec ses deux mains dans les poches de son veston ; de voir les regards bas qu’il jetait autour de lui, elle éprouvait une jouissance perverse, la sensation d’une longue vengeance enfin assouvie.

D’ailleurs, tous les soirs, quand ils se mettaient au lit, elle lui faisait une scène. Les mots qu’elle disait et qu’il répondait étaient à peu près ceux du premier soir. Ensuite, elle affectait de s’éloigner le plus possible vers le bord du lit pour que son corps ne touchât pas celui de Léon. Et, dans l’ombre clignotante de la veilleuse, ils échangeaient leurs paroles mauvaises jusqu’à ce que le sommeil les prit.