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Comme tout le monde

plutôt une forme du sectarisme et de la manie. Pourquoi cette vieille fille dévote n’avait-elle pas respecté le recueillement douloureux d’une étrangère en deuil ?…

« C’est ma chaise !… » Et toute la ferveur d’Isabelle s’était changée en un dépit courroucé.

Le sermon du vicaire avait achevé de lui dépoétiser la messe, car ce sermon l’avait fait rire malgré tout le chagrin.

Le vicaire ânonnant, embarqué dans une phrase périlleuse sur le démon, la termine enfin par cette comparaison : Cet oiseau malsain qui n’est autre que le serpent.

Donc, la douleur d’Isabelle n’avait pas sombré dans la religion. Du reste, le souvenir de son fils et son remords étaient une religion déjà. Cependant, elle retrouvait à la longue ce loisir dangereux de penser à elle-même. Elle songeait à sa jeunesse passée, refaisait le tableau de sa vie. Elle ne regrettait rien de cette jeunesse inutilisée. Elle n’avait mémoire que de quelques rares moments palpitants, tous douloureux : ses scrupules et sa torture de femme amoureuse et sage ; sa désillusion déchirante en retournant au pays, près de sa mère ; son épouvante en apprenant ce qu’était vraiment le marquis de Taranne ; puis, plus récente, l’horreur d’avoir perdu son fils, côtoyée par