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Comme tout le monde

Dans sa lettre, il raconte longuement une partie de balle, mais oublie, pour finir, d’embrasser sa mère. Isabelle replie lentement le chiffon de papier où l’âme de son second fils est enclose, puérile, déjà banale, sans aucun élan tendre. Elle pense à l’autre enfant, celui qui, depuis deux années, n’est qu’une tombe au cimetière. Quelle différence entre les lettres du nouveau collégien et celles de son frère aîné, si sensible et ravagé dès l’âge de sept ans ! Maintenant il n’est plus…

Isabelle ne pleure pas. On dirait qu’elle ne peut plus pleurer. Le blanc de ses yeux abîmés est traversé de mille petits vaisseaux d’un rouge vif. Il semble qu’il en sortirait du sang au lieu de larmes.

Certes, son chagrin n’a plus la violence des premiers jours. Il a cessé d’être une passion pour devenir un sentiment. Le désespoir le plus excessif se change un jour en tristesse, la tristesse en mélancolie. Le chagrin a des gradations fatales, comme l’amour.

La douleur maternelle, dans son premier choc, a traversé tout l’être de la petite femme, blessure inattendue et mortelle. Sous le coup du malheur, elle a crié. Maintenant, elle sent que son âme, si terriblement vivante pendant les premiers mois de deuil, s’affaisse de nouveau dans l’ennui. Malgré qu’il y ait du merveilleux dans la mort, malgré