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Comme tout le monde

Elle s’était acharnée dans son amour pour l’autre enfant, et cet amour l’avait aveuglée !

L’autre enfant… Mais n’était-ce pas l’enfant du péché, celui qu’elle avait désiré quand elle vivait coupable, avec son affreux désir d’adultère dans le cœur ? L’autre enfant… Ne portait-il pas, comme une tare, le prénom du marquis de Taranne, ce vilain monsieur ? N’était-il pas un intrus dans la maison ?…

« Sans lui, j’aurais aimé mon petit lion, fils unique. Je l’aurais compris, je l’aurais gâté, je ne l’aurais pas laissé mourir !… »

La sanglotante Isabelle, les bras affalés à travers la table, enfouissait sa figure dans sa manche avec rage. Et soudain elle se redressa, sourit presque à travers son désespoir. Elle venait de songer que, le petit Louis, ce serait maintenant lui qui succéderait un jour à son père, lui qui serait le second Léon Chardier, l’avoué de province dont elle s’était tant de fois moquée à l’avance, en la personne de son fils aîné. Un sentiment ténébreux de revanche la ranimait. Qu’est-ce qu’elle couvait donc, depuis un mois, dans son âme ? Voici maintenant qu’elle avait envie d’offrir au jeune mort une réparation éclatante des torts qu’on lui avait causés.

Une complicité d’outre-tombe la rapprochait étroitement de lui. Elle avait toujours eu besoin,