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Comme tout le monde

quette, embrassa le bébé pacifique qui gazouillait en remuant les bras. Son mari lisait toujours. Zozo, dans un coin, essayait, tout en tirant la langue, de délacer ses bottines neuves qui, sans doute, la gênaient.

Le train passait sur un pont, au-dessus d’une rivière. L’enthousiasme d’Isabelle enfin éclata :

— Viens voir. Zozo ! Viens voir l’eau !

Zozo se précipite sur la vitre.

— C’est joli, n’est-ce pas, ma fille ?

— Oh ! oui, maman !… dit la voix d’argent.

Puis elle se tait. Isabelle essaie de suivre le petit rêve de sa fille. Au bout d’un instant Zozo se tourne vers sa mère :

— Combien qu’elle a de profondeur, maman, la rivière ?

Mais Isabelle ne veut pas être déçue. Il faut qu’elle parle, qu’elle s’exalte, malgré tout.

— Léon ?… appelle-t-elle.

Il a laissé tomber son journal. Isabelle précipite les mots : « Le jardin, la maison, mon salon, ma bonne… »

Ils goûtent dix minutes de camaraderie. Mais comme Léon, beau causeur, commence à faire l’historique de la région qu’ils vont habiter, Isabelle s’agite. Elle n’a pas envie d’écouter. Elle voulait surtout parler, elle.