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Comme tout le monde

On se demande si ce sont vraiment nos féconds cerveaux humains qui attachent une telle poésie à la chose éminemment charnelle, la mort. Pourquoi ce sourire supérieur sur la figure des cadavres ? Et qu’est-ce donc qui leur donne une telle expression, puisqu’ils sont vidés de l’esprit qui crée les expressions ?

Le lendemain et le surlendemain, ce furent des allées et venues, ce furent tous les apprêts terre à terre qu’on est forcé de faire autour des morts. On prend les mesures du cercueil, on décide de l’enterrement, des lettres de faire-part, du deuil. La couturière se heurte dans les escaliers au menuisier, au prêtre, à l’agent des pompes funèbres.

Isabelle, par ordre du docteur Tisserand, n’assista pas à ces choses, non plus que le petit Louis et Zozo, partis pour trois jours chez l’excellente madame Chanduis.

On ne laissa revenir la mère dans la chambre que lorsque le cercueil, vissé, posé sur les tréteaux, eut été recouvert du drap noir sur lequel s’ébouriffaient les premières fleurs apportées par les amis et connaissances.

C’était au jour tombant. La fenêtre entr’ouverte, voilée de ses persiennes, laissait entrer le souffle du jardin dans la chambre empuantie de drogues. Isabelle, soutenue par la grosse Modeste, se montra