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Comme tout le monde

sur le corps de son enfant, l’étreignant de deux mains furieuses, et les sanglots insensés qu’elle poussa firent accourir dans la chambre mortuaire Zozo en chemise, les deux bonnes et jusqu’au petit Louis, claquant des dents.

Scène affreuse. Le docteur et Léon transportent dans la chambre conjugale Isabelle tordue par une attaque de nerfs, ployée en arrière comme un arc. Le petit Louis et Zozo, vertement tancés, sont retournés en frissonnant se remettre au lit. Julia, la femme de chambre, aidée de Tisserand revenu près du lit, fait déjà la toilette du jeune trépassé.

… Isabelle, étendue sur le grand lit de la chambre à coucher, revint à elle dans les bras de la grosse Modeste. Et parce que le cœur de ceux du peuple est parfois infiniment profond et délicat, Léon Chardier, en retournant près de sa femme, la trouva réfugiée contre l’énorme poitrine de la servante, et sanglotant doucement sur son épaule, comme sur celle d’une sœur aînée.

Elle put, au bout d’un moment, aller s’asseoir près de son fils mort, afin de le veiller, avec les autres, jusqu’au matin. À peine le reconnut-elle. Blanc et long dans sa toilette funèbre, éclairé par deux bougies, transfiguré, il avait déjà pris le visage des morts, ce visage aux narines pincées, tout empreint d’une suprême distinction.