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Comme tout le monde

sion tardive. Allait-elle ouvrir les yeux juste au moment où le petit méconnu s’apprêtait à fermer les siens ?…

Bouleversée, elle ouvrait la bouche pour parler, puis se taisait. Elle craignait d’épuiser le pauvre essoufflé, dont les regards fiévreux divaguaient un peu. « Ah ! pensait-elle, quand il sera convalescent, comme je saurai bien le dorloter jusqu’à ce qu’il me dise tout ! »


Le petit lion mourut le dixième jour, dans la nuit. Isabelle, le docteur, Léon, près de lui, veillaient. Il passa sans une dernière parole, sans un dernier regard. Sa respiration toujours plus précipitée s’arrêta dans un hoquet, et ce fut tout. La mort, cette fatalité banale, était passée, emportant une âme balbutiante encore, supprimant d’un coup les possibilités qui dormaient en ce petit mâle que personne jamais n’avait sondé, qui, sans doute, s’ignorait encore lui-même.

Quand le dernier soupir fut exhalé, l’on vit Isabelle se redresser. Une expression d’effroyable douleur la défigurait. Léon, blême, fit un pas vers elle, d’un geste raide. Le docteur Tisserand tendit les mains. Mais la mère était brusquement tombée