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Comme tout le monde

Isabelle est trop scandalisée pour pouvoir parler. Le petit Louis, avec des sanglots de fillette, cache sa tête contre elle. Zozo regarde, narquoise, mais effrayée.

Ils sont là, les trois enfants, autour de leur mère. Et la mère n’a pas vu ce qu’il y avait pour elle d’admiration et de tendresse cachées, dans ces deux pauvres vers de son fils aîné :

Jeanne d’Arc qu’on brûla jadis, ô gloire amère.
En rêve je la vois belle comme ma mère !

Peut-elle s’attarder une seconde à l’idée que cet enfant morne et laid, qui ne parle jamais, fasse des vers ?… Des vers ? Ce futur avoué !

Vraiment, si elle y réfléchissait, Isabelle n’en reviendrait pas. Ce second Léon peut-il imaginer autre chose que de reprendre un jour l’étude ? Dès le berceau, quand il n’était encore que le petit lion, sa mère a décrété son avenir. Cela lui semblait aussi naturel que de le vouer au bleu. Est-ce que les parents ne savent pas mieux que les enfants ce qui convient aux enfants ?

Des vers !… Non, Isabelle ne songe pas un instant à cela. Cela, c’est bon pour le petit Louis. N’est-ce pas lui, le fils du rêve, qui doit en faire plus tard, des vers ?…

Face à face avec l’aîné, tenant le cadet contre